Me voir ainsi placée dans ce cadre pictural du XVIIe siècle européen, ça questionne. Surtout pour une métisse. Et justement, ce portrait résonne avec ma prochaine création, « Maudite métisse », de Bertrand Dicale. Parce que certaines choses, certains êtres, sont condamnés à n'exister que dans le regard d'autrui, jamais pour ce qu'ils sont vraiment. Et que ce regard, justement, est un choix.
"La Jeune Fille à la perle", peinte vers 1665 par Johannes Vermeer, traverse les siècles. Elle est posée, elle est là, on ne sait pas quoi penser. Elle nous regarde.
Cette image me fait sourire et me dérange à la fois.
L'IA a cette dualité : elle peut être juste, troublante, ou vraiment flippante. Et ce n'est pas sans importance. Comme le métissage qui se voit, qui se regarde.
L'IA, à sa manière, nous met dans une situation un peu similaire, je crois. Elle nous renvoie immédiatement à ce qu'on lui montre.
L'IA est une sorte de miroir. Brut. Elle reflète nos intentions, nos peurs, nos audaces, et nos ombres. Mais à force d'être miroir, elle risque de n'être que ça : ce qu'on projette sur elle, jamais ce qu'elle pourrait être.
Comme nous avec nous-mêmes. Idem.
La manière dont on prend soin de soi, finalement, dont on s'écoute, dont on choisit ou non la bienveillance, c'est exactement ce que l'on fait avec l'IA. Elle ne crée pas seule. Sans nous, elle est inoffensive, sauf si nous lui montrons comment inverser les rôles, par ce dont nous la nourrissons.
Biberons de don(nées). Petits pots d'intentions. Compotes de directions.
Puis on s'étonne parfois de ce qu'elle nous renvoie.
La peur qu'elle suscite parle surtout de nous. Je crois.
De notre difficulté à assumer notre puissance créatrice.
De notre tendance à projeter nos peurs intérieures à l'extérieur.
Je crois profondément que le bien existe. Et qu'il est déjà là. Il ne s'agit pas de le fabriquer, mais de le révéler. Puis de le transmettre.
L'IA pourrait n'être ni une menace, ni un salut. Tout comme nous. Elle est ce que nous en faisons.
À l'image de notre transmission : entière ou en morceaux ?
Au bout du bout, ici et maintenant : il reste le choix, notre choix, celui de l'intention que nous posons, de l'usage que nous en faisons, et de la part de bienveillance que nous décidons, ou non, de l'alimenter.
Enfin, je crois.
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